mars - 2012


AUTEUR : FRANÇOIS VIGNALOU

Brève sur l’application de la TVA en matière d’indemnité transactionnelle

Par un arrêt du 21 novembre 2011, le Conseil d’Etat (CE, « Tobacco Exporters International » n° 316485) a affiné les contours du champ d’application de la TVA concernant les indemnités transactionnelles.

Les sommes versées à l’occasion de la conclusion d’une transaction pour mettre fin à un litige commercial doivent-elles être soumises à la TVA ? 

Principes

Dans chaque situation de fait, il convient d’analyser les conditions du versement de l’indemnité étant entendu que l’administration fiscale n’est pas liée par la qualification juridique donnée à l’indemnité par les parties, et que la bonne foi du contribuable n’est pas toujours prise en considération lorsque la taxe a été indûment facturée.

Depuis l’arrêt Apple & Pear de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE, « Apple & Pear », 8 mars 1986 aff. C-192/86), seules sont imposables à la TVA les sommes qui constituent la rémunération d’une prestation de services ou d’une livraison de biens et pour lesquelles il existe un lien direct entre le paiement et l’exécution d’une obligation de faire, ne pas faire ou de livrer une chose.

La CJCE a donc posé le principe de l’assujettissement des indemnités à la TVA si elles représentent en réalité la contrepartie de la livraison d’un bien ou d’une prestation de services individualisée rendue à celui qui la verse.

Dans la continuité de cette arrêt, le Conseil d’Etat (CE, « Polyclad », 15 déc. 2000 n° 194696) a précisé à son tour que l’indemnité était imposable à la TVA si elle avait pour objet d’assurer l’équilibre financier du contrat, alors qu’elle restait hors du champ de la TVA si elle avait uniquement pour objet de réparer le préjudice subi par le bénéficiaire du versement du fait, par exemple, de la résiliation unilatérale d’un contrat (CE, « Magnetti Marelli », 28 mai 2004 n° 250817).

Par la suite, plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ont illustré la délicate question des indemnités qui sont imposables à la TVA. 

Illustrations (1) : Opérations imposables à la TVA

  • Si l’accord transactionnel a pour but d’organiser le paiement de sommes dues en contrepartie de services déjà rendus ou de livraisons déjà effectuées : la TVA sera exigible au titre du versement effectué car la somme qualifiée d’indemnité constitue en réalité, le paiement réduit du prix (CE « Société Entreprise de Génie civil et Travaux publics du 7 mars 1966 n°63384).
  • Si l’indemnité rémunère des obligations nouvelles (par exemple une obligation de non concurrence) : la TVA est exigible (CE, « SA Parco », 27 octobre 1971 n° 80285).
  • Le dépôt de garantie conservé par un promoteur immobilier en cas de désistement du candidat acquéreur d’un logement : cette somme constitue la rémunération du service de réservation du bien (Inst. 3 B-1-02 du 27 mars 2002). 
  • L’indemnité versée dans le cadre de la résiliation d’un contrat de travaux immobiliers lorsqu’elle constitue en fait la rémunération d’un commencement d’exécution (Inst. 3 B-1-02 du 27 mars 2002).

Illustrations (2) : Opérations non imposables à la TVA

  • L’indemnité prévoyant la renonciation à tout recours transactionnel : cette renonciation ne constitue pas en soi un service au sens de la TVA mais est la conséquence de la disparition d’un différend (Inst. 3 B-1-02 du 27 mars 2002).

  • L’indemnité prévoyant de ne pas bénéficier de livraisons de biens ou de prestations de services futures, autrement dit la résiliation unilatérale (par exemple, l’interruption prématurée d’un contrat de crédit-bail) : l’indemnité n’est pas la contrepartie directe d’une prestation individualisée puisque le fait générateur fait défaut (CE, « Magneti Marelli », 28 mai 2004 n° 250817).

  • La réparation d’une manière générale d’un préjudice comme la perte d’une chose, une atteinte à l’image, un préjudice moral, une perte d’exploitation future etc.: les sommes versées peuvent être qualifiées de dommages et intérêts.

L’espèce citée en référence clarifie encore ces principes : il s’agissait d’une indemnité versée lors de la cessation unilatérale d’un accord de distribution : le Conseil d’Etat juge que cette indemnité ne résulte pas de l’accord convenu entre les parties pour assurer l’équilibre économique du contrat, et ne constitue ni la contrepartie directe, ni la rémunération d’une prestation individualisable. Elle ne devait donc pas être soumise à la TVA.

Mais l’arrêt apporte une précision supplémentaire intéressante : la TVA facturée à tort (TVA qui n’était donc pas légalement exigible) doit bien être reversée à l’Etat alors même qu’elle n’est pas déductible pour l’assujetti qui l’a supportée, même s’il a cru de bonne foi que l’indemnité devait être soumise à la taxe.

Ainsi, l’existence d’une facture mentionnant la TVA ne crée pas systématiquement un droit à déduction ; celui-ci n’existe que si la taxe figurant sur la facture était légalement due par son émetteur.

 


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tva,indemnités transactionnelles,indemnité transactionnelle,opération non soumise à la TVA

Fichiers: CE_21_novembre_2011_n__316485__9e_et_10e_s.-s.__Ste_Tobacco_Exporters_International.pdf