octobre - 2012


AUTEUR : ANNE-LAURE-HÉLÈNE DES YLOUSES / ANNE-SOLÈNE GAY

Décision de l’Autorité de la concurrence concernant le marché de l’interconnexion sur Internet

Cogent/France Télécom - Décision de l'Autorité de la concurrence concernant le marché de l'interconnexion sur Internet

L’Autorité de la concurrence a rendu le 20 septembre 2012 une décision d’acceptation des engagements (décision n°12-D-18) dans un litige opposant Cogent à France Télécom sur le marché de l’interconnexion sur Internet.

À titre de rappel, trois types d’acteurs interviennent sur le marché de l’interconnexion :

•    les FAI, fournisseurs d’accès à internet qui proposent des offres d’accès à Internet aux consommateurs,
•    les PSI (prestataires de service de la société de l’information) qui fournissent le contenu et les services disponibles sur Internet,
•    les opérateurs de transit qui permettent de connecter les acteurs d’Internet à leurs réseaux internationaux.

Cogent et France Télécom sont des opérateurs de transit internationaux qui permettent de connecter les PSI, FAI et les réseaux entre eux. A la différence de son concurrent, France Télécom est verticalement intégrée et possède, en plus de son activité de transit via le réseau d’OpenTransit, une activité de FAI via son réseau domestique Orange. Les différents acteurs sont interconnectés entre eux par le biais d’accords de peering ou d’accords de transit. Entre opérateurs de transit, le peering est gratuit lorsque le trafic reste dans un ratio symétrique entre les réseaux. Par sa décision, l’Autorité valide le peering payant lorsque le ratio entre le trafic entrant et le trafic sortant n’est pas équilibré. En l’espèce, ce ratio était de 2,5 entre Cogent et France Télécom.

Le 9 mai 2011, Cogent a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par France Télécom sur le marché du transit et les marchés connexes.

En substance, Cogent reprochait à France Télécom d’abuser de sa position dominante en remettant en cause le système de transit de données existant entre les différents opérateurs sur Internet et en refusant l’ouverture de capacités d’interconnexion gratuites entre les réseaux de Cogent et de France Télécom afin de connecter les fournisseurs de contenus clients de Cogent comme MegaUpload aux abonnés ADSL d’Orange.

Dans sa plainte, Cogent dénonçait six pratiques de France Télécom :

•    le refus d’accès aux abonnés du réseau d’Orange, couplé à une interconnexion imposée au niveau international du réseau de France Télécom (Open Transit) ;
•    la non-transmission des préfixes par les pairs de Cogent, et en particulier par Verizon ;
•    la politique discriminatoire de France Télécom fixant un ratio entre trafic entrant et sortant ;
•    la vente liée de l’accès aux abonnés d’Orange et des prestations de transit OpenTransit ;
•    la faible capacité d’interconnexion gratuite accordée par France Télécom ;
•    la commercialisation de prestations de transit à des prix très bas pouvant générer un effet de ciseau tarifaire.

Lors de la phase d’enquête, la pratique de ciseau tarifaire ayant manifestement retenu l’attention de l’Autorité, France Télécom a tenu à proposer des engagements pour y répondre.

En effet, les préoccupations de concurrence exprimées s’articulaient autour de la possibilité de France Télécom, qui dispose de plus de la moitié des abonnés ADSL, de favoriser son activité de transit via Open Transit en proposant des prix bas par rapport au prix du marché et/ou de discriminer certains acteurs de l’Internet. Cette situation serait une conséquence directe de l’intégration verticale de France Télécom qui est à la fois opérateur de transit et FAI.

Les engagements proposés par France Télécom et acceptés par l’Autorité sont doubles. Ils consistent d’une part, en la rédaction d’un protocole interne entre Open Transit et Orange (FAI) décrivant les conditions techniques, opérationnelles et financières applicables à la fourniture de services de connectivité en France et prévoyant une valorisation des flux d’Open Transit vers Orange en cas de dépassement d’un ratio entre trafic entrant et trafic sortant et d’autre part, en la mise en place d’un suivi de ce protocole interne. Le protocole devra être communiqué à l’Autorité dans les trois mois suivant la publication de la décision et demeurera confidentiel pendant la période de suivi de deux ans.

Cette décision de l’Autorité est une première et s’inscrit dans un débat plus large qui est celui de la neutralité de l’Internet et de la facturation des volumes de trafic échangés par les différents acteurs. L’autorité polonaise de régulation des communications électroniques avait en 2010 soumis à la Commission européenne un projet de régulation des marchés de transit IP transit et de peering. Cette dernière avait alors opposé son veto au motif que les mesures n’étaient pas conformes à la directive cadre du paquet télécoms (2002/21/CE).


Tags:
Cogent, France Télécom, Orange, peering, transit, interconnexion, marché, internet, Autorité de la concurrence, 12-D-18, 12D18, neutralité du net, neutralité de l’Internet, concurrence, Anne-Laure-Hélène des Ylouses, Anne-Solène Gay, YGMA

Fichiers: decision_12d18.pdf