décembre - 2017


AUTEUR : LIONEL PARAIRE

LES ORDONNANCES DU 22 SEPTEMBRE 2017 REFORMANT LE DROIT DU TRAVAIL

S’inscrivant dans le mouvement de flexisécurité et poursuivant la dynamique de refonte du Code du travail initiée sous le gouvernement précédent, pas moins de cinq Ordonnances adoptées le 22 septembre 2017 tentent de relever le défi de la modernisation et de la sécurisation du dialogue social comme des relations de travail.

  • Le dialogue social

Poursuivant les réformes précédentes œuvrant pour une contractualisation du droit du travail, l’Ordonnance no 2017-1385 relative au renforcement de la négociation collective favorise la négociation d’entreprise, en vue d’une plus grande adaptabilité de la norme sociale, et l’Ordonnance no 2017-1388 relative au cadre de la négociation collective redéfinit les conditions de l’extension et de l’élargissement des accords collectifs. Mais, si l’on veut donner plus de poids à la négociation d’entreprise, encore faut-il donner aux entreprises les moyens d’une négociation effective et équilibrée, menée par des acteurs compétents et cohérents. C’est l’objectif de l’Ordonnance no 2017-1386 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, laquelle clarifie le cadre et facilite les conditions du dialogue social.

Tout d’abord, l’Ordonnance No. 2017-1385 redéfinit les règles d’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise. La primauté de l’accord d’entreprise devient le principe, en vertu de l’article L. 2253-3 du Code du travail. L’accord de branche, quant à lui, ne s’applique qu’à titre subsidiaire, c'est-à-dire en l’absence d’accord d’entreprise.

Afin de donner aux entreprises les moyens de mettre en œuvre le nouveau modèle social basé sur la négociation d’entreprise, l’Ordonnance consacre un droit universel à la négociation en facilitant ses conditions en l’absence de délégués syndicaux. A titre d’exemple, dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues d’élus, il est désormais permis de négocier directement avec les salariés, sur tous les sujets. Pour être valable, l’accord doit être approuvé à la majorité des deux tiers.

Le renforcement de la négociation d’entreprise passe par des transformations nécessaires à la simplification du dialogue social dans l’entreprise. Il s’agit de rendre ce dialogue possible et audible par tous, gagnant pour tous. Le renforcement de la négociation d’entreprise passe aussi par la mise ne place de dispositifs rendant attractifs l’exercice de mandats syndicaux, afin d’encourager les salariés à se mobiliser pour s’engager dans la représentation et la négociation. C’est l’Ordonnance no 2017-1386 qui s’attèle à ce double objectif.

Pour simplifier le dialogue social et le rendre plus opérationnel, l’Ordonnance cherche à faciliter les conditions d’implantation syndicale en posant la règle de l’unicité de la représentation du personnel. La représentation unique du personnel est rendue possible par la fusion des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans une nouvelle instance, le Comité social et économique (CSE). Sur ce point, la réforme est radicale : la mise en place du CSE est imposée à toutes les entreprises et devra être effective au plus tard au 31 décembre 2019. Par ailleurs, une forme plus aboutie du CSE, le conseil d’entreprise, peut être mise en place par accord d’entreprise majoritaire ou par accord de branche étendu. Composé des élus du CSE, le conseil d’entreprise intègre, en plus de la triple compétence des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, celle de la négociation collective.

Toujours pour simplifier et renforcer le dialogue social, spécialement dans l’entreprise, l’Ordonnance redéfinit certaines conditions d’exercice des responsabilités syndicales afin de les valoriser. Par ailleurs, les membres élus du CSE ne pourront pas exercer plus de trois mandats successifs, à moins que le protocole d’’accord préélectoral n’en dispose autrement et sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés. A l’image de la démocratie politique, la démocratie sociale ne peut fonctionner qu’à défaut d’enlisement dans les fonctions représentatives…

  • Les relations de travail

 Après la flexibilité de la norme, la flexibilité de l’emploi. C’est l’Ordonnance no 2017-1387 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail qui se charge de cet objectif, en assouplissant les modalités de gestion de la relation de travail. Cette même Ordonnance ainsi que l’Ordonnance no 2017-1389 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention tentent par ailleurs d’améliorer un certain nombre de dispositifs relatifs à la prise en compte de l’état de santé du salarié, en apportant des précisions sur l’inaptitude et en consacrant quelques changements en matière de prise en compte de la pénibilité.

L’Ordonnance No. 2017-1387 renforce la flexibilité de la relation de travail, notamment en facilitant le télétravail et le recours aux CDD, ce qui reflète la volonté du gouvernement d’assouplir les modalités d’exécution de la relation de travail, mais aussi en facilitant le licenciement, qu’il soit individuel ou collectif, traduction de la volonté gouvernementale d’assouplir cette fois-ci les modalités de rupture de la relation de travail.

En ce qui concerne l’assouplissement des modalités de rupture de la relation de travail, ce sont tant le licenciement individuel que les licenciements collectifs qui sont rendus plus faciles et/ou moins coûteux, en théorie en tout cas.

S’agissant du licenciement individuel, plusieurs changements importants doivent être relevés. Un modèle-type de lettre doit être proposé par les partenaires sociaux et son contenu sera fixé par des décrets qui seront publiés dans les prochains jours. Si l’on comprend le sens de la mesure sous le prisme de l’objectif de simplification du droit du travail, notamment pour les petites entreprises, il faut utilement rappeler la limite de tout modèle-type en raison de la singularité de chaque relation de travail et des pouvoirs de contrôle et d’appréciation du juge qui, à n’en pas douter, continuera de se montrer exigeant en matière de notification du licenciement. Cependant, sur un point, le juge est amené à mesurer son intransigeance. En effet, l’Ordonnance prévoit que l’insuffisance de motivation, pouvant être rectifiée a posteriori et jusqu’en cours de procédure, ne prive plus, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. Voilà un bouleversement majeur de notre droit remettant en cause une jurisprudence bien établie depuis près de 30 ans. Par ailleurs, sauf en cas de licenciement nul, les dommages et intérêts dus en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse font l’objet d’un barème fixant planchers et plafonds. En contrepartie du plafonnement, l’indemnité de licenciement est augmentée de 25% au titre des 10 premières années d’ancienneté et la condition d’ancienneté pour en bénéficier passe de 12 à 8 mois. Enfin, les délais d’action sont réduits et harmonisés à 12 mois, sauf en cas de  discrimination ou harcèlement.

S’agissant des licenciements collectifs, là encore doivent être relevés de nombreuses nouveautés destinées, selon le rapport au Président de la République, à donner aux entreprises la capacité d’anticiper et de s’adapter de façon simple, rapide et sécurisée aux changements qui s’imposent. Prenant appui sur la règle en vigueur dans de nombreux pays voisins, la réforme révise le champ de l’obligation de reclassement et celui de l’appréciation du motif économique, ramenés au territoire national. Enfin, sur le modèle de la rupture conventionnelle individuelle est instaurée une rupture conventionnelle collective pour laquelle un régime social et fiscal attractif doit être proposé par la loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018…


Tags:
Lionel Paraire,Juris Initiative,Ordonnances Macron,22 Septembre 2017,Réforme droit du travail,Comité Social et Economique,Barème d’indemnisation,Négociation collective,Dialogue social,Flexisecurité,Rupture conventionnelle collective