mars - 2012


AUTEUR : FRANÇOIS VIGNALOU

News sur la rétroactivité des fusions et apports partiels d’actifs

Par un arrêt du 29 juin 2011, le Conseil d’Etat (CE, 29 juin 2011 n°317234 et 317212), a invalidé la position de l’administration fiscale concernant la rétroactivité des apports partiels d’actifs à une société nouvellement créée.

 

Les sociétés parties à une fusion ou à un apport partiel d’actif (APA) peuvent décider d’attribuer à ces opérations un effet rétroactif par une clause spéciale inscrite dans le traité de fusion ou d’apport : cette clause - qui prévoit une date d’effet de l’opération antérieure à la date de sa réalisation effective - permet d’en simplifier la réalisation (notamment en ce qui concerne la détermination des valeurs d’apport et de la parité d’échange).

Principes

Durant la période dite « intercalaire », comprise entre la date d’arrêté des comptes ayant servi de base à l’opération et celle de sa réalisation définitive, la société absorbée (pour la fusion) et les sociétés apporteuse/bénéficiaire (pour l’APA) poursuivront leurs activités, ce qui entraine une modification des données figurant dans le bilan de l’opération : il est donc nécessaire de faire rétroagir l’opération au moins du point de vue comptable.

Si la rétroactivité est permise lorsque la société absorbante (pour la fusion) et la société bénéficiaire de l’apport (pour l’APA) sont préexistantes, elle semblait avoir été écartée lorsque lesdites sociétés sont nouvelles.

Régime juridique

En droit des sociétés, l’article L 236-4 du Code commerce prévoit que la fusion ou l’APA prennent effet :

·         En cas de création d’une société nouvelle : uniquement à la date d’immatriculation au RCS de la nouvelle société ;

 

  • Dans les autres cas (opérations au profit de sociétés préexistantes) : à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération. Mais le traité de fusion ou d’apport peut prévoir une date d’effet différente pourvu que celle-ci ne soit pas antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la société absorbée (pour la fusion) ou apporteuse (pour l’APA).

 

Ce régime juridique ne s’applique, pour l’APA, que lorsqu’il est soumis au régime juridique des scissions. Lorsqu’il s’agit d’un apport pur et simple, en l’absence de précision législative en la matière, les sociétés parties à l’opération sont libres de fixer conventionnellement la date d’effet de l’opération.

Régime fiscal

Le Code général des impôts ne comporte aucune précision relative aux effets des clauses de rétroactivité des actes de fusion et d’APA. C’est le Conseil d’Etat qui a posé le principe de la prise en compte, au regard de l’impôt sur les sociétés, des clauses de rétroactivité (CE 12 juillet 1974 n°81753).

»  Précision : L’effet rétroactif ne peut conduire à rectifier les résultats déjà déclarés, c’est-à-dire ceux des exercices précédents celui au cours duquel l’opération a été conclue.

Lorsque le traité prévoit la rétroactivité de l’opération, les sociétés concernées sont tenues de prendre en compte toutes les conséquences de la date d’effet conventionnelle retenue (CE 18 mars 1992 n°62402).

 

Apports de l’arrêt du 29 juin 2011

Selon l’administration fiscale, lorsqu’un apport partiel d’actif était effectué au profit d’une société nouvelle, elle considérait, en s’appuyant sur l’article L 236-4 du Code de commerce, que l’opération ne pouvait produire d’effets au plan fiscal avant la date d’immatriculation de la société (Inst. 3 août 2000, 4 I-2-00 n° 95 et 96 ; Inst. 11 août 1993, 4 I-1-93 n° 29 ; D. adm. 4 I-123 n° 4, 1er novembre 1995).

Le Conseil d’Etat en juge autrement ici en estimant que l’article L 236-4 du Code de commerce (issu de la loi 88-17 du 5 janvier 1988) ne fait pas obstacle à ce que les sociétés participant à un APA confèrent un effet fiscal à cette opération à une date antérieure à celle de l’immatriculation de la société bénéficiaire nouvellement créée.

Mais il fixe une limite à la rétroactivité : elle ne doit pas remonter avant l’ouverture de l’exercice au cours duquel la société apporteuse réalise l’apport.

Le Conseil d’Etat consacre donc l’effet, au plan fiscal, des clauses de rétroactivité contenues dans les conventions d’APA, lorsque cet apport est effectué au profit d’une société nouvelle. Cette solution semble être transposable en cas de fusion par création d’une ou plusieurs sociétés nouvelles. 

La clarification par le Conseil d’Etat de la question de la rétroactivité des opérations de restructuration concernant les sociétés nouvellement créées, place désormais ces dernières, dans une situation identique à celle des sociétés préexistantes. 


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Fichiers: CE_29_juin_2011_n_317212_et_n_317234_3eme_et_8eme_sous_sections_reunies.pdf