août - 2018


AUTEUR : ANNE-SOLÈNE GAY

Publication de la loi n° 2018-670 relative à la protection du secret des affaires

A la suite de l’adoption de la Directive du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, les Etats membres mettent progressivement en œuvre des réformes visant à établir une protection inspirée du traité ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, annexe à l’Accord de Marrakech instituant l’OMC).

Le Conseil constitutionnel a validé par sa décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018 la législation relative à la protection du secret des affaires dont la France vient de se doter. La loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires vient ainsi modifier certaines dispositions du Code de commerce et établit une définition de l’information protégée par le secret des affaires.

Dès lors, une information est protégée au titre du secret des affaires si elle répond aux critères suivants :

  • L’information n’est pas généralement connue ou aisément accessible pour des personnes pourtant familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
  • Le caractère secret de cette information lui confère une valeur commerciale, qui peut être effective ou potentielle ;
  • L’information fait l’objet par son détenteur de mesures de protection raisonnables dans l’optique de préserver son caractère secret.

L’information protégée par le secret des affaires peut être obtenue de manière licite ou illicite. Ainsi, la loi introduit la notion de détenteur légitime qui, de facto, exerce un contrôle de manière licite sur ladite information. Dès lors, une telle information peut être obtenue de manière licite au moyen d’une découverte ou d’une création indépendante ou encore au moyen de l’analyse d’un produit mis à disposition du public ou, à tout le moins, mis à disposition de manière licite, sauf stipulation contractuelle prohibant l’obtention d’un tel secret.

A l’inverse, une information protégée par le secret des affaires est obtenue de manière illicite en l’absence de consentement de la part du détenteur légitime (par exemple par un accès non autorisé à tout support contenant le secret ou permettant sa déduction, ou encore, par l’appropriation d’une copie non autorisée de ces éléments). En outre, tout autre comportement pouvant être perçu au regard d’éléments circonstanciels comme étant déloyal et contraire aux usages commerciaux constitue un mode d’obtention illicite.

Toutefois, il convient de relever que l’obtention licite d’une information protégée par le secret des affaires n’implique pas une liberté d’utilisation et de divulgation. En effet, toute utilisation ou divulgation d’un secret des affaires par une personne l’ayant obtenu de manière licite doit se faire avec le consentement de son détenteur légitime. Il en va de même pour un secret des affaires obtenu de manière licite et utilisé ou divulgué en violation d’une obligation de ne pas le divulguer ou d’utilisation limitée. A ce titre, toute opération de production, de mise sur le marché ou encore d’exportation d’un produit qui résulte de manière significative d’une atteinte au secret des affaires constitue une utilisation illicite si la personne savait qu’un tel secret était utilisé de manière illicite.

Enfin, toute obtention, utilisation ou divulgation d’un secret des affaires est également illicite si la personne savait ou devait savoir au regard des circonstances que ce secret avait été obtenu – directement ou indirectement – d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de manière illicite.

Cette protection n’est cependant pas absolue. En effet, les dispositions nouvellement introduites dans le Code de commerce prévoient un certain nombre d’exceptions. Ainsi, le secret des affaires n’est pas opposable si son obtention, utilisation ou divulgation est requise ou autorisée par le droit européen ou national. Par ailleurs, à l’occasion d’une instance, la protection du secret des affaires ne peut être invoquée si l’utilisation ou la divulgation d’une information protégée est intervenue de bonne foi en vertu du droit à la liberté d’expression et de communication, dans l’optique de révéler une activité illicite à des fins de protection de l’intérêt général. Cette faculté est également ouverte pour l’exercice du droit d’alerte. Par ailleurs, la protection du secret des affaires n’est pas opposable dans le cadre de la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit européen ou national.

Enfin, le secret des affaires n’est pas opposable dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants. Il en va de même si la divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants intervient dans le cadre légitime de leurs fonctions. Dans ce cas, l’information demeure protégée au titre du secret des affaires pour les personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui ont pu en avoir connaissance.

La consécration de la protection du secret des affaires implique par ailleurs la possibilité d’ouvrir une action en prévention, en cessation ou en réparation d’une atteinte au secret des affaires, toute atteinte engageant la responsabilité civile de son auteur. Outre l’octroi de dommages et intérêts, la juridiction saisie peut prescrire toute mesure proportionnée visant à empêcher ou faire cesser une telle atteinte.

Cette réforme constitue ainsi une évolution majeure dans la reconnaissance et la protection du secret des affaires. Cette protection nouvelle est particulièrement cruciale dans le cadre d’activités innovantes et stratégiques.


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Anne-Solène Gay, Behring, Juris Initiative, secret des affaires, adpic, protection, secret, loi