April - 2010


BY: MAÎTRE THIERRY LEVY-MANNHEIM

Les délégations de pouvoirs au sein des SAS

CA Versailles 24 septembre 2009 / CA Paris 10 décembre 2009

Deux arrêts rendus respectivement par la Cour d’appel de Versailles le 24 septembre 20091 et la Cour d’appel de Paris le 10 décembre 20092, ont posé la question de la validité des règles de représentation et de délégation de pouvoirs dans les sociétés par actions simplifiées.

Ces arrêts d’appel ont fait une application stricte des dispositions légales et réglementaires applicables en matière de représentation de la société vis-à-vis des tiers et de déclaration au Registre du commerce et des sociétés (C. com., art. L. 227-6 et R. 123-54).

Il en ressortirait l’obligation de faire inscrire sur l’extrait K-bis de toute société par actions simplifiée l’identité des délégataires, quelle que soit l’étendue de leur délégation de pouvoirs, sans quoi leur délégation de pouvoirs ne serait pas opposable aux tiers.


Ces arrêts font l’objet de critiques car l’application qui y est faite de l’article L. 227-6 du Code de commerce est contestée sur plusieurs fondements :

  • Tout d’abord, parce qu’elle exigerait que chaque délégation spéciale de pouvoir fasse l’objet d’une modification statutaire et d’une mention sur l’extrait Kbis de la société. Or, la Cour de cassation est venue contredire cette position à plusieurs reprises en affirmant qu’aucune disposition légale n’exige que la délégation de pouvoirs, notamment en matière de licenciement ou d’hygiène et de sécurité, soit donnée par écrit3 ;

  • Ensuite, parce que le Code du travail, qu’il s’agisse de la convocation à l’entretien préalable, du déroulement de l’entretien ou de la notification de licenciement, se borne à viser « l’employeur » et non pas le Président ou tout autre mandataire social (C. Trav., art. L. 1232-2, L. 1232-3 et L. 1232-6).


Il faut donc, à notre sens, distinguer deux cas :

  • Celui des délégations générales de pouvoirs des mandataires sociaux : dans la mesure où, dans les SAS, les statuts déterminent librement les conditions dans lesquelles la société est dirigée, il convient d’inscrire sur l’extrait Kbis (outre le Président) les Directeurs Généraux ou membres de comité de direction statutaires lorsqu’ils ont le pouvoir de diriger, de gérer ou d’engager à titre habituel la société ;

  • Dans les autres cas, comme par exemple celui d’un DAF ou d’un DRH : aucune mention particulière dans les statuts ou sur l’extrait Kbis n’est à notre sens requise dans la mesure où le délégataire ne dispose pas du pouvoir de diriger, de gérer ou d’engager la société. Pour ces délégations spéciales, il convient de respecter les formes de la délégation de pouvoirs telles qu’elles ont été fixées par la jurisprudence. Pour être valable, la délégation de pouvoirs doit donc être consentie par le dirigeant à un salarié et acceptée par lui, elle doit être certaine et exempte de toute ambiguïté et le délégataire doit être doté de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour faire usage de sa délégation.

Par conséquent, la pratique de certaines Cours d’appel consistant (i) à appliquer les règles de représentation générale prévues aux articles L. 227-6 et R. 210-4 du Code de commerce pour apprécier la qualité du signataire d’une lettre de licenciement et (ii) à exiger que les délégations de pouvoirs soient écrites et préalables, paraît critiquable tant au regard des dispositions légales et réglementaires relatives à la représentation dans les SAS que de la jurisprudence relativement constante de la Cour de cassation sur ce sujet.

 

 

1 CA Versailles, 5e ch., 24/09/2009, n°08/02615
2. CA Paris, Pôle 6, 2e ch., 10/12/2009, n° S 09/04775
3 Cass. Soc., 19 janvier 2005, n° 02-45.675 ; Cass. Soc., 23 septembre 2009, n° 07-44.200


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