Réforme des droits exercés en assemblée générale par les actionnaires de sociétés cotées

Mars 2011

AUTEUR : Maître Thierry Lévy-Mannheim

L’Ordonnance n°2010-1511 du 9 décembre 2010 a transposé en droit français la directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 relative à l’exercice de certains de leurs droits par les actionnaires de sociétés cotées. Celle-ci a été complété depuis par un décret n°2010-1619 du 23 décembre 2010. De plus un décret n°2010-684 du 23 juin 2010 avait d’ores et déjà commencé à transposer la directive.


L'Ordonnance concerne aussi bien les sociétés cotées sur Alternext que celles cotées sur Euronext.


L’Ordonnance s’applique aux assemblées tenues à compter du 1 janvier 2011, et développe un certain nombre de points. Nous exposons ci-après les sujets développés dans les textes susvisés.

I. Un développement de l’avis de réunion


On savait que les sociétés cotées étaient tenues de publier un avis dit « de réunion » au BALO au moins 35 jours avant la tenue de l’assemblée générale. Désormais, en complément des mentions actuelles, l’avis doit inclure :

une description « claire et précise » des procédures que les actionnaires doivent suivre pour pouvoir voter en assemblée ;
une description des modalités d’exercice du droit d’inscription à l’ordre du jour des résolutions, et du droit à poser des questions écrites ;
l’adresse du site internet prévu à l’article R 210-20 du Code de commerce ;
la date d’enregistrement des actions, en précisant que seul les actionnaires à cette date pourront participer ;
le lieu et la date de mise à disposition des documents destinés à être présentés lors de l’assemblée générale.

La mention « claire et précise » qui revient régulièrement incitera les sociétés à être vigilantes dans leur rédaction. D’un point de vue pratique, on peut s’interroger sur la pratique des avis de réunion valant convocation. En effet si cette pratique est concevable dés lors que les textes n’imposent pas la publication de deux avis séparés, l’obligation posée par l’article R 225-73 du Code de commerce qui dispose que la convocation doit être précédée d’un avis publié au BALO semble la remettre en question et nécessiter la publication de deux avis distincts.

II. Création d’un site internet


Cette obligation ne figure pas expressément dans le texte de la directive, mais découle de l’obligation d’information. Ainsi un nouvel article R 210-20 est créé dans le Code de commerce et impose aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (Euronext, pas Alternext) de disposer d’un site internet.


Afin de simplifier l’organisation de l’ordre du jour, l’Ordonnance prévoit, au sujet des questions écrites (Article L 225-108 C. com) des actionnaires que :

Le conseil d’administration ou le directoire peut désormais apporter une réponse commune à des questions présentant le même contenu, plutôt que d’y répondre individuellement.
La société est réputée avoir répondu à la question lorsqu’elle fait figurer la réponse sur son site internet dans une rubrique prévue à cet effet.

III. Publication sur le site internet


Désormais les sociétés cotées doivent, en application de l’article R 225-73 du Code de commerce, publier sur leur site internet pendant une période ininterrompue d’un minimum de 21 jours avant la date de l’assemblée générale les informations suivantes :

l’avis de réunion ;
le nombre total de droits de vote existants, ainsi que le nombre d’actions composant le capital social ;
les documents destinés à être présentés à l’assemblée ;
le texte des projets de résolutions présentés à l’assemblée par le conseil d’administration et le directoire
les formulaires de vote par correspondance et de vote par procuration.

IV. Inscription de points à l’ordre du jour


L’article L 225-105 du Code de commerce est modifié pour permettre à un actionnaire détenant la fraction de capital nécessaire, c'est-à-dire 5%, de requérir l’inscription de « points » à l’ordre du jour, en transmettant une demande motivée à la société. Le caractère pertinent d’un point s’appréciant au jour de la demande.

V. Faculté pour tout actionnaire de se faire représenter


Désormais, un actionnaire peut être représenté lors de l’assemblée d’une société cotée (sur un marché réglementé ou un marché organisé se soumettant à la réglementation boursière comme Alternext) par toute autre personne physique ou morale de son choix, même si cette personne n’est pas actionnaire. Il s’agit d’une évolution sensible de la réglementation, car auparavant cette faculté n’était offerte qu’à l’actionnaire non résident.


Néanmoins un article L 225-106-1 est inséré dans le Code de commerce afin d'ajouter une disposition relative à l'information à apporter à la société et aux autres actionnaires de potentiels conflits d’intérêts entre le mandataire ou le mandant d'une part, et la société d'autre part (cas d'un salarié de la société par exemple). Ainsi, cet article énumère une liste non exhaustive de cas qui doivent être portés à la connaissance de la société dans lesquels existe un conflit d'intérêts. Le non respect de cette obligation est susceptible d’entrainer pour le mandataire une interdiction d’assister à toute assemblée de la société concernée pendant trois ans.


L’article R 225-79 du Code de commerce prévoyant que l’actionnaire pouvait donner un mandat sous la forme écrite ou électronique. La présente réforme ajoute que la révocation du mandat peut être effectuée sous les mêmes formes. De plus, dans les sociétés cotées, il faut désormais offrir la possibilité aux actionnaires de notifier par voie électronique la nomination ou la révocation d’un mandataire, alors qu’auparavant ce n’était qu’une simple faculté.
Une disposition spéciale concernant la collecte de mandats de vote (ou « proxy fight ») est insérée dans un nouvel article L 225-106-2 du Code de commerce.

Cette disposition s’applique à toute personne qui propose directement ou non à un ou plusieurs actionnaires, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, de recevoir procuration pour les représenter à l’assemblée d’une société cotée. Celle-ci prévoit que la personne doit alors rendre publique sa politique de vote qui doit au minimum inclure :

l’identité du mandataire ;
les principes auxquels le mandataire entend se référer lors de l’exercice des droits de vote ;
la politique de vote en fonction des types de résolution.

La publication de la politique de vote n’impose pas de communiquer les intentions de vote sur les différentes résolutions. La personne peut néanmoins le faire. Si tel est le cas, elle doit alors, lors du vote, se conformer aux intentions rendues publiques.

VI. Résultat des votes des résolutions


Doivent être publiés sur le site internet :

le nombre d’actionnaires présents et représentés à l’assemblée ;
le nombre de voix des actionnaires présents et représentés à l’assemblée ;
pour chaque résolution, le nombre total de voix exprimées en détaillant le nombre d’actions et de capital social qu’elles représentent, le nombre et le pourcentage de voix favorables et défavorables.

Un doute persiste sur le décompte de l’abstention. Dans le silence du texte on peut en effet s’interroger sur le fait de savoir si celle-ci doit être comptabilisée avec les voix défavorables à la résolution. Dans la pratique l’abstention compte comme un vote contre. Mais elle s’inscrit dans une logique différente. Une lecture littérale du texte semble néanmoins inciter à ne pas distinguer. Mais le texte de la directive est quant à lui plus large en prévoyant une comptabilisation séparée de l’abstention.

VII. Délai de seconde convocation


Le délai est étendu et porté de six à dix jours sur seconde convocation de l'assemblée générale.